François Etienne L'Haridon de Créménec (1768-1807), officier de santé, chirurgien de la marine, explorateur.
Il est le fils aîné de François Sébastien L'Haridon (1733-1803) et Jeanne Louise Guezennec (1744-1824). >> voir Douarnenez
1768 : baptême à Douarnenez (paroisse de Ploaré)
Avant 1800 : études à Brest. Ancien élève de l’Ecole de Santé de Paris. Sert sur 10 bâtiments de l’Etat (1791-1800). Services à terre (1787-1797).
1800 (an IX) : Avis aux dames françaises sur l'inoculation de leurs enfants, par F. E. L'Haridon, membre correspondant de la Société Médicale de Paris, et de celle des Observateurs de l'Homme ; Officier de santé en chef de l'expédition de découvertes, commandée par le capitaine Baudin. A Paris, chez Gabon, libraire, rue et à côté de l'école de médecine.
Je venge l'art heureux trop longtemps rejeté, qui conserve à la la fois la vie et la beauté.
« (...) Avant cette époque on n’avait aucune idée de l’inoculation dans nos contrées, et les enfants, sans défense, y périssaient impitoyablement, moissonnés par la petite vérole naturelle, ou végétaient sans cesse humiliés après avoir été hideusement flétris plus ou moins sans doute.
(…) il faille encore prendre la plume pour en renouveler la doctrine et pour en propager les principes
(…) Si on la laisse venir au hasard, il est probable qu’ils en périront.
(…) tandis qu’en France surtout, accumulant erreur sur erreur, chimères sur chimères contre l’inoculation ».
« Que l’on voyage dans la Suisse, on verra chaque père de famille attentif à faire inoculer ses enfants dès leur plus tendre jeunesse ; il croirait manquer à un devoir essentiel s’il s’y refusait par négligence ; aussi voit-on la génération qui s’élève belle, fraîche et brillante. Les visages ne portent plus l’empreinte de ce fléau cruel (la petite vérole). Tous les fronts ont conservé cet éclat qui ajoute encore aux attraits de la beauté.
Mais si l’on voyage en France, si l’on s’y promène dans les villes surtout, on voit avec chagrin que les vieux préjugés n’y sont pas détruits. C’est encore un spectacle affligeant que d’y rencontrer des visages défigurés sur des bustes d’ailleurs gracieux, et l’on ne sait combien de temps encore la beauté française sera soumise à cette grêle affreuse qui épargne les habitants de l’Helvétie.
(…) Longtemps combattue, l’inoculation triomphera-t-elle enfin ?
(…) Il ne suffit pas qu’elle soit en honneur chez quelques personnes opulentes, il faut qu’elle soit universellement adoptée.
Je ne connais pas encore le bonheur de devoir à une épouse chérie des enfants dont on puisse se glorifier d’être le père.
(…) Il devient plus que jamais indispensable d’avoir, particulièrement à Brest, un établissement permanent pour l’inoculation des jeunes marins.
[J’ai déjà fait imprimer à ce sujet, une longue lettre adressée à l’inspecteur du service de santé de la marine. Puissent mes réflexions n’être pas perdues pour mon pays !]
[Il est vrai que pour toucher au double but, il faut perdre moins de temps dans les spectacles et dans les places publiques, pour en passer davantage dans les amphithéâtres, les hôpitaux et les bibliothèques, conditions sous lesquelles il n’y a ni succès à obtenir, ni considérations à mériter, ainsi que je le dirai plus au long dans mes vues, sur les moyens d’améliorer la médecine navale.]
(…) Rejetez, hâtez-vous de rejeter cette erreur populaire, le plus meurtrier des préjugés contraires à l’inoculation ! Nul ne peut se flatter d’être exempt de la petite vérole.
1800-1803 : Médecin français, il participe à l'expédition vers les Terres australes que conduisit Nicolas Baudin au départ du Havre à compter du 19 octobre 1800. Il embarque à bord du Géographe, en tant qu'officier de santé de 2e classe faisant partie de l'état-major.
François Etienne L'Haridon : "Ce navire puait la mort. Nous n’étions partis que depuis quelques semaines, et déjà une odeur fétide vous prenait au nez et à la gorge lorsque vous descendiez dans les parties du vaisseau situées sous la ligne de flottaison, coupées de l’atmosphère extérieure.
Air impur et insalubre. Eau qui imprégnait tout, se corrompant dans chaque pièce. Putréfaction des matières animales et végétales. Exhalaisons qui se formaient, contenant du gaz acide carbonique contraire à la respiration. Chaleur tropicale augmentant l’activité de la putréfaction.
Sur ordre du capitaine, le navire était régulièrement ventilé ou fumigé. Les hamacs, les draps et les couvertures étaient aérés. Les vêtements étaient séchés et les cales pompées pour en extraire les odeurs fétides de l’eau de sentine. On lavait même les hamacs, on inspectait les vêtements et on en distribuait de nouveaux. Malgré toutes ces mesures, la puanteur du navire ne disparaissait pas. Elle se renforçait même à mesure que nous approchions de la ligne équinoxiale.
Médecin de bord, je me sentais impuissant face à cette lente dégradation et savais que je ne pourrais pas faire grand chose quand les hommes seraient atteints par des maladies provoquées par cet air vicié. Je tâchais toutefois de me distraire en participant aux activités de pêche et de vivisection des savants."
Hyacinthe de Bougainville (1781-1846), aspirant de Marine de 2e classe sur la corvette le Géographe que commande Baudin : "Après quelques semaines de navigation, j’observais non sans plaisir une fébrilité naissante chez quelques passagers. Lebrun s’était battu avec Lharidon sur la digue de Ténériffe, et dut supporter les remontrances de Baudin. Il se querella également avec Milbert qui s’était permis quelques plaisanteries à son encontre. L’enseigne de vaisseau Freycinet se montrait toujours plus violent. Il avait insulté le maître d’hôtel et l’avait menacé de coups de pied dans le ventre. Jour après jour, le climat à bord se dégradait, ce dont chacun était conscient. Et l’île de France était encore loin. (…)
Puis Milbert se mit à geindre sur le pont, devant tout le monde, qu’il pleuve ou qu’il vente. Il implorait le Ciel qu’on le laisse revenir auprès de son épouse. Il accusait Baudin des pires maux. Lharidon finit par lui donner quelques médicaments pour soigner sa mélancolie. Le capitaine lui rendit visite. (…)
Il [Péron] nous assommait continuellement avec son bavardage soi-disant scientifique. Un jour, il se querella avec Lharidon à propos d’un requin qu’on avait capturé. Tous les deux avaient commencé à le disséquer et Péron était venu se plaindre auprès de Baudin que Lharidon lui avait volé le cœur. Il avait fallu supporter pendant toute une heure ses jérémiades dignes d’un enfant de dix ans, jusqu’à ce que Baudin lui promette que le prochain requin serait pour lui."
Shell Beach le long de L'Haridon Bight
On a donné son nom (L'Haridon Bight) à une baie australienne que l'on trouve à l'intérieur du golfe de l'océan Indien appelée Shark Bay.
1804 : L'Haridon-Créménec, de Douarnenez, ancien élève de l'école de santé de Paris, présente et soutient à l'école de médecine de Paris une dissertation le 12 fructidor an XII.
Président : M. Leroux. Examinateurs : MM. Baudelocque, Bourdier, Boyer, Corvisart et Deyeux.
Des affections tristes de l'âme, considérées comme cause essentielle du Scorbut.
Aux mânes de l'infortuné Bernier, astronome de l'expédition de Découvertes, commandée par le capitaine Baudin ; victime du Scorbut. L'amitié plaintive.
« Je vais considérer le scorbut, tel qu’une longue et pénible expérience me l’a fait connaître, et le donner pour ce que je le crois en effet, le produit et le dernier terme de la nostalgie ».
« C’est donc surtout à l’esprit qu’il faudrait s’adresser, en traitant d’une altération physique aussi manifestement dépendante de l’affection morale, sa cause première, la compagne constante de tous les désordres qu’enfant le scorbut, et vers laquelle il faudrait diriger les moyens de guérison à opposer à ses ravages ; changez les circonstances plutôt encore que les lieux, et comptez alors sur une guérison impossible autrement. »
« Réciprocité d’amour et de confiance entre le chef et les subordonnés, tel est, si je ne me trompe, le meilleur, pour ne pas dire le seul anti scorbutique que je connaisse ».
« tandis que sur les navires de commerce de toutes les nations, où des équipages plus faibles font cependant des travaux plus forts, on observe rarement le scorbut (…). Le marin, fixé par sa propre volonté, se plaît davantage dans le service pour lequel il s’est engagé ; il s’y trouve, sinon en famille, au moins en société d’amis, dont l’exemple, plus que la voix menaçante ou le fouet du chef, détermine et nourrit l’émulation. »
« (…) pour lui faire pleurer la terre qu’il fuit et se perd à l’horizon. Rien alors ne ressemble plus à ce qui avait été jusque-là : ses habitudes ne sont plus les mêmes ; sa tête se trouble, son cœur s’étonne et gémit ; au milieu d’un peuple d’étrangers, aucun ne le console ; souvent, trop souvent encore, le vieux marin ajout aux maux du nouvel embarqué, par son ironie brutale et ses mauvais traitements. »
« (…) persuadons-nous bien que l’homme, maître de faire son bonheur, peut le trouver partout où sa condition le place.
Une longue habitude de la mer, et l’une des campagnes les plus difficiles et les plus pénibles que l’on ait entreprises, ont dû me faire connaître les marins sous beaucoup de rapports et dans presque tous leurs besoins. »
« (…) s’affecter jusqu’à succomber à une maladie dont je rapporte la principale cause à l’affection triste de l’âme. »
« (…) son âme, semblable à l’élément sur lequel il vieillit, croupit quand elle n’est pas émue. Il n’y a qu’à le vouloir, pour faire du marin le plus affectionné, le plus dévoué des hommes ; qu’on lui apprenne à s’estimer lui-même, qu’on l’enrégimente, afin qu’il soit toujours excité par le point d’honneur, l’union et la force des corps militaires ; qu’il porte un uniforme, car le marin est de tous les hommes celui qui s’enorgueillit davantage de l’habit qui peut le faire distinguer ; que, servant toujours sous le même officier, il apprenne à se confier en lui, à s’en faire aimer ; que chaque vaisseau ait sa musique, plus utile ici qu’en aucun corps de troupes de terre, et l’on verra bientôt les maladies des gens de mer affecter un type moins dangereux, et le scorbut, qui les complique toutes, diminuer et disparaître insensiblement sur nos flottes. »
« Infortuné Bernier ! vos amis n’auraient pas à vous pleurer, (…) si l’on ne vous avait pas tant de fois humilié, quand on vous devait que des encouragements et des éloges ! »
« Pendant notre longue relâche dans le port principal, chef-lieu de cet établissement, nous avons vu arriver un grand nombre de navires chargés de nouveaux déportés. Partis d’Europe tous à peu près dans le même temps, également bien approvisionnés, et naviguant pour ainsi dire de conserve, ils auraient dû débarquer leurs hommes dans le même état : un seul était chargé de scorbutiques, parce que le barbare qui le commandait s’était fait, pendant la traversée, un malin plaisir de tourmenter ses victimes, au point qu’on a cru devoir le traduire en justice, et qu’à Botany-Bay même, il s’est vu condamné à être pendu.
Il n’est que trop vrai peut-être qu’on peut quelquefois reprocher au médecin de ne pas toujours guérir son malade ; mais il est encore plus certain que c’est toujours la faute du commandant d’un vaisseau, s’il y a beaucoup de malades à son bord, et notamment des scorbutiques. Le bon état de l’équipage est le meilleur éloge que l’on puisse faire de son état-major. N’est-il pas en effet d’observation, que le scorbut, autrefois la terreur et le fléau des marins, en détruit beaucoup moins à mesure que la civilisation fait plus de progrès dans cette classe précieuse.
Je pourrais accumuler les preuves que le scorbut ou cachexie nautique est le produit incontestable de l’affection morale. »
« Le logement, la nourriture, l’âge, les maladies antécédentes et tant d’autres causes encore, ne sont donc pas les causes directes du scorbut. Qu’on ne me prête cependant pas de l’attribuer uniquement à l’affection morale. (…) Je reconnais donc la plupart des causes admises de cette maladie ; mais je crois que je ne serais pas le premier à ne les considérer que comme autant de causes secondaires ».
« Un de nos officiers, jeune et bien constitué, grand mangeur de viandes salées, qu’il digérait parfaitement, a été pris d’un commencement de scorbut ; mais je suis persuadé que l’on ne sera pas porté à l’attribuer à la qualité des aliments, quand on saura combien de dégoûts on lui a donné pendant toute la campagne ; les vexations, les injustices et les humiliations de tout genre qu’on lui a fait dévorer.
Je vois donc encore le scorbut naître ici de l’affection morale ».
« (…) si le médecin du bâtiment, de concert avec le capitaine, ne combinent leurs efforts pour rassurer leur infortuné compagnon de voyage, et le ramener à cette confiance et à cette tranquillité d’esprit, sans lesquelles on ne doit point espérer de guérison. »
« (…) mais on ne peut davantage contester, que cet état physique ne soit la suite d’une affection triste, primitive et continuelle de l’âme.
Or, s’il est vrai que la direction bien entendue du moral soit, dans quelques cas, la meilleure et la seule ressource sur laquelle le médecin doive compter ; il est encore plus certain, que c’est toujours un excellent moyen de prévenir les maladies et d’en diminuer les complications. On peut aisément obtenir que l’homme de mer se plaise sur son bord, et si l’on s’en occupe sérieusement, je ne conçois plus comment le scorbut pourrait l’y surprendre. »
« Je voulais connaître ce fléau des marins ; et persuadé qu’il suffisait de ne pas le craindre, je me suis exposé volontairement à toutes les causes dont on le fait dépendre, sans jamais en avoir ressenti aucun des effets. (…) le scorbut est de toutes les maladies celle dont on peut le plus facilement se garantir, et la plus facile à guérir. »
« Cependant, l’endroit où l’on tient dans d’hommes rassemblés, toujours trop petit, trop peu aéré ; la nourriture trop peu appropriée aux climats les plus opposés, qu’ils parcourent souvent dans des temps très courts ; les habillements qui présentent les mêmes inconvénients ; la vicieuse distribution du travail, et les relâches, qui ne devraient servir qu’à le faire reprendre avec plaisir ; toutes ces causes, dis-je, peuvent aussi disposer au scorbut, lorsqu’il serait si facile de tout ordonner à bord pour l’empêcher de naître, et pour la conservation de la santé de l’équipage.
En général, nos vaisseaux sont trop chargés de monde, et les emplois trop multipliés ; les désœuvrés de toutes classes, et la grand classe parasite des surnuméraires, écrasent le petit nombre des travailleurs. Le Français (…) son caractère veut qu’il varie ses occupations (…) multiplier sans nécessité les bras autour de lui, c’est nuire plutôt qu’ajouter à la force qu’il doit employer. En marine, où l’on n’a jamais assez d’espace, (…) il le faut donc réduire, afin qu’on puisse procurer, à ceux qui sont réellement nécessaires, une nourriture meilleure.
(…) Le régime des gens de mer est susceptible d’être mieux ordonné, quant à la nature des aliments, à leur préparation et à leur distribution. »
« Tant que la marine ne formera pas un corps d’armée (…) Que l’on enrégimente les matelots (…) faire des promenades militaires. Rien, comme l’air des champs, n’est propre à remettre le marin des fatigues de la mer.
Le matelot ne se baigne pas assez, et danse toujours trop peu. Le corps dans ces deux exercices, éprouve des mouvements brusques et rapides, et si la joie les anime, la santé de l’homme de mer ne peut qu’en éprouver les meilleurs effets. Ne pourrait-on pas également dans les longs voyages, inventer des jeux d’une nature propre à occuper agréablement le matelot, à lui faire oublier les désagréments de sa situation, et le consoler des peines et des privations inséparables de son état. Nous le répétons : s’il est vrai que l’affection morale, si facile à se développer en mer, puisse donner lieu à tant de maladies, c’est donc vers cette cause puissante qu’on doit tourner toutes ses vues, soit pour en prévenir les funestes effets, soit pour la faire cesser quand elle existe. »
« (…) Il n’en est pas de même des causes ; nous savons qu’en les éloignant, on aura déjà beaucoup fait, et nous le pouvons. Quand on n’a pas su prévenir le scorbut, on peut au moins en arrêter les progrès, même en mer, et l’y guérir sans le secours des végétaux.
Une seule cause, la cause essentielle du scorbut, l’affection morale, peut le rendre difficile à guérir, incurable même, et quelquefois mortel. C’est surtout vers cette cause que le médecin doit diriger toute son attention. Point de succès, si l’on ne parvient d’abord à rassurer le scorbutique sur son état. Le grand art est de savoir le récréer, et de flatter ses goûts.
Quelques changements dans le régime, un léger supplément à la ration, une exemption de quart, de ceux de nuit surtout, pour qu’il puisse la livrer toute entière au sommeil, une boisson agréable, suffisent communément pour faire disparaître les premiers symptômes du scorbut.
1807 : décès de François Etienne L'Haridon, chirurgien-major sur le vaisseau "le Cassard", mort à l'hôpital militaire.
"Vue du port de Brest (vue prise de la terrasse des Capucins)", 1774.
Officier de santé. Promu chirurgien de 1ère classe le 13-10-1803. A participé au voyage de découverte du Commandant Baudin de 1800 à 1803 des côtes d'Australie et de Tasmanie. Il meurt noyé dans la Penfeld à Brest le 2-7-1807. Il semble, avoir mis fin à ses jours, étant dépressif. (Dictionnaire des médecins, chirurgiens et pharmaciens de la marine, Service Historique de la Défense, 2010, p. 524)
Jérôme Bellefin (1764-1835), chirurgien de l'expédition Baudin à bord du Naturaliste (second navire de l'expédition aux Terres australes de 1800 à 1803) :
"Je n’ai jamais cru en L’Haridon. Homme trouble au regard fuyant, comment avait-on pu le nommer médecin en chef de l’expédition ? Je le vois encore monter à bord du Géographe, l’air sombre, traînant les pieds tel un condamné à mort. Comme moi, il avait été chirurgien sur différents navires, mais âgé d’à peine trente ans, il semblait fatigué de tout.
Sa mélancolie s’était considérablement renforcée pendant notre voyage dans les Terres australes. Après notre retour, il avait présenté une thèse de médecine inspirée semble-t-il par ses récentes épreuves. Elle portait ce titre étrange si je me souviens bien : Des affections de l’âme considérées comme cause essentielle du scorbut. Une théorie extravagante. Par amitié j’étais allé assister à la soutenance, et j’avais trouvé L’Haridon plus éprouvé encore qu’à notre retour. C’est pendant l’été 1807 que j’appris sa mort. On m’avait raconté qu’il était monté à bord d’un canot les poches chargées de pierres, et qu’au milieu de la rivière il s’était jeté à l’eau. Après plusieurs tentatives, le canotier était parvenu à le saisir, et avec l’aide de quelques riverains on l’avait emporté à l’hôpital où il mourut."
"Les études médicales de l’équipe
Ces cinq hommes ont été formés avant et après la Révolution de 1789 et, par conséquent, leur formation est bien révélatrice des grandes évolutions qu’a connues la médecine pendant cette période. Lharidon, âgé de 32 ans en octobre 1800, et Bellefin, à 36 ans, le plus vieux des médecins, avaient reçu leur formation en médecine avant 1789, c’est-à-dire pendant la dernière décennie de l’Ancien Régime.
A ce moment-là, les responsables de la santé cherchaient à mettre en place un programme de recherche, surtout en épidémiologie, afin d’améliorer la santé publique.
Né à Douarnenez en 1768, Lharidon semble avoir suivi des études médicales à l’école de médecine navale à Brest, institution bien pourvue en cadavres grâce à la présence de pontons dans le port.
(...) Les deux autres chirurgiens consacrèrent leurs thèses, également rédigées après l’expédition, au scorbut. Le titre de la thèse de Lharidon Des affections tristes de l’âme, considérées comme cause essentielle du scorbut (1804), ainsi que le contenu de cet opuscule, démontrent à quel point ce chirurgien partageait les théories prônées par Antoine-Marie Desperrières (et d’autres) quant à l’importance d’écarter la tristesse à bord pour empêcher des attaques de scorbut. Il y a également une part personnelle dans tout cela, nous semble-t-il, car il peut être significatif que cet homme, sans doute à tendance dépressive, se suicida plusieurs années après l’expédition. La lettre officielle annonçant son suicide, en 1807, déclare que « M. l’Haridon avait fait la campagne du tour du monde du capitaine Baudin ; il en avait rapporté une habitude mélancolique [Service historique de la Marine, CC/7/1584, état des services] ». Dans sa thèse, Observations sur le traitement du scorbut en pleine mer (1810), Bellefin décrit les bains de sable qu’il administrait aux scorbutiques, soins qui, il en était persuadé, aboutissaient à leur guérison."
(Explorations et voyages scientifiques de l’Antiquité à nos jours, actes du 130e congrès national des sociétés historiques et scientifiques, La Rochelle, 2005, éditions du CTHS, 2008)
Sources :
Laurent Margantin, Les Géographes, Œuvres ouvertes